
ANTOINE SAMAL THIAKANE SACRÉ 25E SACUUR : LE NOUVEAU GARDIEN DE LA MER À JOAL-FADIOUTH

Joal-Fadiouth, Sénégal — Dans une ambiance empreinte de solennité et de ferveur populaire, Antoine Diogoy Samal Thiakane, âgé de 94 ans, a été intronisé vendredi dernier 25e Sacuur, Roi de la mer, selon la tradition ancestrale sérère de Joal-Fadiouth, dans le département de Mbour. Il succède ainsi à son prédécesseur décédé en 2021, à l’issue d’une longue attente dictée par les cycles de la marée et les signes des anciens.
La cérémonie, riche en symboles et rituels, s’est tenue sur la place publique de l’île aux coquillages, en présence des autorités traditionnelles, des familles royales, des habitants et d’invités venus de divers horizons. Le roi et la reine, vêtus de blanc, ont été assis face à l’Est — direction du soleil levant — pour signifier l’entrée dans une ère de lumière, de sagesse et de renouveau spirituel.
“Le Sacuur joue le rôle de pasteur. Il est l’intercesseur entre la mer et les hommes, chargé d’implorer les forces marines pour une mer paisible et riche en ressources”, a déclaré Ambroise Sarr, président de la lignée maternelle Jahanoora Njare Sarr, d’où est issu le nouveau roi.



Une fonction spirituelle et écologique
Dépositaire d’un pouvoir sacré transmis par Rog Seen, le Dieu suprême dans la tradition sérère, le Sacuur incarne un lien spirituel fort entre la communauté et l’océan. Sa mission : protéger les populations contre les dangers de la mer, favoriser une pêche abondante et veiller à une exploitation durable des ressources marines.
Dans une procession rythmée par les tam-tams et les chants, le roi nouvellement sacré s’est dirigé vers l’océan, suivi d’une foule en liesse. Arrivé devant l’eau, il a plongé une carpe et des mollusques, contenus dans une calebasse, comme offrande et appel à la prospérité.
“Ces gestes marquent son pacte avec la mer. Désormais, selon la coutume, il ne pourra plus toucher l’eau de la mer de ses propres mains”, confie Ambroise Sarr.
Préserver l’identité et l’environnement
Dans une région confrontée à la surpêche et à la raréfaction des ressources halieutiques, cette intronisation revêt une signification toute particulière. Elle symbolise non seulement la perpétuation d’un héritage spirituel millénaire, mais aussi la mobilisation des communautés locales autour de la préservation de l’environnement maritime.
Alors que le Sénégal moderne cherche à conjuguer tradition et développement, des figures comme le Sacuur réapparaissent dans l’espace public. À Fadiouth, commune insulaire peuplée de musulmans, de chrétiens et d’adeptes des religions traditionnelles, cette cérémonie incarne une réconciliation entre passé et présent, entre croyances ancestrales et enjeux contemporains.
Sous les acclamations de centaines de personnes massées sur le pont de bois menant à l’île, Antoine Samal Thiakane, le regard embué, a contemplé une dernière fois l’océan — désormais sous sa protection spirituelle. Un roi, gardien d’un peuple et d’un patrimoine.