Le Grand Théâtre national de Dakar accueille ce vendredi une voix bien connue de l’humour engagé africain : l’humoriste et chroniqueur nigérien Mamane y présente son nouveau spectacle « Histoire pas drôle de l’Afrique », un récit scénique à la croisée du comique, de la mémoire et de la critique politique. Ce rendez-vous dakarois s’inscrit dans une tournée panafricaine qui l’a déjà conduit dans plusieurs capitales du continent.

Un regard africain sur l’Afrique

Dans cette création inédite, Mamane propose une lecture décalée mais rigoureuse de l’histoire et de l’actualité du continent. L’humoriste revient sur les absurdités du passé colonial, les fragilités institutionnelles post-indépendance, les enjeux migratoires ou encore les représentations médiatiques biaisées de l’Afrique. Sans jamais céder à la complaisance ni à la facilité, il célèbre aussi la résilience des peuples africains, leur lucidité et leur humour face aux contradictions du réel.

« Une règle et un crayon, voilà ce qui a suffi à tracer nos frontières », rappelle-t-il, évoquant la Conférence de Berlin (1884-1885), point de départ d’une histoire souvent imposée de l’extérieur.

Une œuvre pour les Africains, par un Africain

Loin des clichés, « Histoire pas drôle de l’Afrique » se distingue de ses précédents spectacles par une approche résolument continentale. « L’Afrique racontée par un Africain, avec ses mots, sa sensibilité, ses contradictions », explique Mamane. Le spectacle se veut un moment de réflexion collective, ancré dans la mémoire et les combats du continent, mais aussi dans ses aspirations.

Parmi les figures mises à l’honneur, Mamane cite Thiaroye, Senghor, Cheikh Anta Diop – autant de symboles d’une Afrique pensante et combattante.

Le retour du « Président-Fondateur » et du Gondwana

Comme dans ses œuvres précédentes, le public retrouvera le célèbre Président-Fondateur, caricature satirique des régimes autoritaires africains. Figure grotesque mais familière, il incarne les travers d’un pouvoir confisqué. Ce personnage s’inscrit dans l’univers du Gondwana, ce pays imaginaire devenu un miroir critique des réalités politiques africaines.

« Le Gondwana, c’est ce qu’on ne veut pas : pas d’écoles, pas de soins, pas de liberté », affirme Mamane, saluant l’usage croissant du terme dans les débats citoyens.

Un humour d’exigence face à l’ère numérique

Dans une époque dominée par les formats courts et les contenus viraux, Mamane revendique un humour d’auteur, construit, exigeant. « Mon spectacle, c’est un plat cuisiné avec rigueur, amour et conscience », dit-il, comparant le stand-up classique à la restauration rapide. Fidèle à sa ligne de conduite, il refuse la vulgarité et la stigmatisation, préférant l’ironie bienveillante à la moquerie gratuite.

Une scène pour éveiller les consciences

Pour Mamane, le rire est plus qu’un divertissement : il est outil de transmission, de résistance et de vigilance. « L’humour est la politesse du désespoir », affirme-t-il. Son ambition ? Semer des idées, provoquer des prises de conscience, sans haine ni violence. « Les dirigeants nous doivent des comptes. Mon travail, c’est de le rappeler. Avec humour, sans complaisance. »