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PR. MAMADOU DIOUF, L’ARCHITECTE DE LA MÉMOIRE RETROUVÉE

a-la-une
01 déc. 2025
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Au cœur des commémorations du massacre de Thiaroye, en ce mois de décembre 2025, une silhouette s’impose sans jamais chercher la lumière. Celle d’un intellectuel, pas d’un notable ; d’un historien, pas d’un héros autoproclamé. Le professeur Mamadou Diouf, regard acéré derrière ses lunettes rondes, avance avec la rigueur d’un homme qui sait que les nations ne se relèvent que lorsqu’elles affrontent leurs vérités.

Le gardien d’une histoire longtemps confisquée

Depuis qu’il a été appelé en 2024 par le Premier ministre Ousmane Sonko pour présider le Comité de commémoration du massacre de Thiaroye, Mamadou Diouf s’est imposé comme le stratège d’une bataille mémorielle trop longtemps ajournée. Pour lui, sortir Thiaroye de l’ombre n’est pas un acte politique : c’est une obligation morale. « L’histoire ne sert pas à faire plaisir ou à faire mal. Elle sert à dire ce qui a été », répète-t-il, comme pour conjurer 81 années de silence, de minimisation et d’archives verrouillées.

Parce qu’il refuse que Thiaroye reste un mythe, il choisit l’arme la plus imparable : la preuve scientifique.

Les fouilles contre l’oubli

Sous sa houlette, le Comité engage dès 2024 des campagnes de fouilles, de cartographie et de géolocalisation. L’objectif : tordre le cou au chiffre officiel français de 35 morts, mis à mal par des analyses croisées du terrain, des témoignages et des archives. L’archéologie devient un outil politique — non pour accuser, mais pour établir.

Les archives contre le déni

Parallèlement, il coordonne un patient travail de dépouillement d’archives militaires françaises : rapports discordants, disparités dans les comptes rendus d’époque, ordre de tir prémédité… La mécanique de la répression apparaît au grand jour.

La science contre l’oubli

Le Livre Blanc sur Thiaroye, qu’il pilote et remet en 2025, marque un tournant : pour la première fois, un document d’État sénégalais consolide une lecture historique claire, étayée, transmissible. C’est désormais le socle sur lequel se jouent les demandes de vérité, de reconnaissance et de réparations.

De Rufisque à Columbia : un itinéraire forgé dans l’exigence

Derrière cet engagement se cache un parcours hors norme, où la rigueur académique sert de boussole. Né à Rufisque, ville-palimpseste du passé colonial, Diouf est un produit d’élites intellectuelles qui ont choisi de se dresser contre les récits importés. Formé à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il soutient sa thèse sur le royaume du Kajoor avant de rejoindre l’Université Cheikh Anta Diop, où il enseigne dans des amphithéâtres souvent surchauffés et surpeuplés. Il en garde une image indélébile : « Deux mille paires d’yeux qui vous scrutent dans une salle plongée dans la pénombre… et le plaisir d’enseigner malgré tout. »

À Dakar, il devient l’un des moteurs du CODESRIA, ce foyer incandescent de la pensée critique africaine. Puis, en 1999, il traverse l’Atlantique pour rejoindre l’Université du Michigan, avant de s’imposer à Columbia à partir de 2007. Là-bas, il incarne une autorité mondiale sur l’Afrique coloniale, les politiques de la mémoire et l’histoire de l’islam en Afrique de l’Ouest.

En 2024, son admission à l’Académie américaine des Arts et des Sciences consacre une carrière marquée par l’exigence intellectuelle et l’indépendance.

Un intellectuel indocile, fidèle à sa cohérence

Ceux qui le suivent depuis longtemps savent que le professeur refuse les conforts de la complaisance. Qu’il s’agisse d’analyser le « modèle islamo-wolof », de commenter les dérives politiques à Dakar sous Wade ou Macky Sall, ou de décrypter le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en 2007, il a toujours tenu une ligne : la vérité factuelle avant la vérité politique.

Sa réflexion sur les mouvements urbains, comme le Set/Setal, dit tout de sa méthode : « Un travail constant de refabrication de l’histoire et de la ville », écrit-il. Un chantier où l’indocilité devient un outil critique. Ce même geste intellectuel irrigue aujourd’hui son approche de Thiaroye : comprendre, recontextualiser, reconstituer. Refuser l’oubli.

Pour lui, les tirailleurs ne sont pas des ombres

Mamadou Diouf n’écrit pas l’histoire pour pleurer sur les morts, mais pour restituer aux tirailleurs leur statut politique. Il insiste : ces hommes n’étaient pas des victimes silencieuses, mais des citoyens en armes, réclamant leurs droits. Son approche redonne chair à leur combat, en fait des acteurs plutôt que des martyrs.

C’est aussi pour cela qu’il dérange. Rappeler que Thiaroye fut un massacre d’État, c’est fissurer un récit longtemps édulcoré, du côté français comme du côté sénégalais.
En prenant la tête du Comité, Mamadou Diouf s’est inscrit dans une démarche qui dépasse les cérémonies annuelles. Il œuvre à une politique mémorielle nationale cohérente : musées, archives publiques, programmes éducatifs, fouilles régulières, travaux universitaires, coopération internationale.

Pour lui, la mémoire n’est pas un rituel : c’est une infrastructure. À Thiaroye, il ne vient pas célébrer. Il vient réparer.

Et, à mesure que la vérité se précise, une certitude s’impose : le Sénégal tient un architecte de sa mémoire retrouvée, un historien qui refuse que les vainqueurs écrivent seuls l’histoire, un intellectuel pour qui la vérité n’est pas un slogan, mais un chantier de longue haleine.

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