La Fédération sénégalaise de football (FSF) vient de rendre public son rapport financier pour l’année 2024, révélant une situation budgétaire critique. Avec un déficit de 2,4 milliards de FCFA, une trésorerie en chute libre (-58 %) et des subventions divisées par deux, l’instance dirigée par Augustin Senghor depuis 2009 traverse une zone de fortes turbulences, à quelques mois des élections fédérales prévues en août 2025.

Une CAN 2024 désastreuse aux lourdes conséquences

L’échec des Lions à la Coupe d’Afrique des Nations 2024 en Côte d’Ivoire, éliminés prématurément aux tirs au but, a provoqué un manque à gagner estimé à 2,8 milliards de FCFA, du fait de l’absence de primes FIFA/CAF, de recettes publicitaires et de sponsoring. Cette contre-performance sportive a directement impacté le chiffre d’affaires de la FSF, qui s’effondre à 2,6 milliards de FCFA, soit une baisse de 52 % par rapport à 2023.

Les charges restent néanmoins élevées, notamment les primes versées aux joueurs et les subventions aux ligues, qui culminent à 1,76 milliard de FCFA, malgré les faibles résultats. Les compétitions nationales ne parviennent pas à combler le vide : les dépenses baissent de 29 % pour les championnats régionaux et de 60 % pour le football féminin. Seul le beach soccer tire son épingle du jeu avec un budget en hausse de 84 %.

Opacité, retards et arbitrages contestés

Le rapport pointe également de sérieuses carences en matière de gestion. Les subventions reçues par la FSF (provenant de la FIFA, de la CAF et de l’État) chutent de moitié, à 1,05 milliard de FCFA. L’arrêt des travaux du stade Demba Diop et l’annulation de certaines compétitions, comme la Coupe HCCT, expliquent en partie ce recul.

Dans le même temps, les subventions versées aux clubs et ligues ont reculé de 68 %, mettant en difficulté les structures locales déjà confrontées à des retards chroniques de paiement. Sur le plan des infrastructures, les chiffres font état de retards inquiétants. La réhabilitation du stade Demba Diop, initialement budgétée à 2,02 milliards de FCFA, traîne, tandis que de nouveaux projets (nouveau siège à Point-E, centres techniques) sont lancés pour un coût similaire.

Autre point d’ombre : 734 millions de FCFA d’équipements sportifs restent inutilisés, entreposés à Toubab Dialaw ou dans la boutique officielle de la fédération. Les « services extérieurs », souvent peu détaillés, absorbent à eux seuls 3,3 milliards de FCFA, et les honoraires d’arbitres pour le championnat national explosent (+52 %) sans justification claire.

Cap sur 2025 : des projections optimistes mais fragiles

Malgré ce tableau sombre, la FSF projette une stabilisation de sa trésorerie en 2025, avec un solde prévisionnel positif de 1,6 milliard de FCFA. Cette amélioration repose toutefois sur des hypothèses incertaines : une hausse de 13 % du sponsoring (1,24 milliard de FCFA), le recouvrement complet d’une créance de 877 millions de FCFA sur le ministère des Sports, et un bon parcours des Lions lors des éliminatoires de la CAN 2025.

En parallèle, les investissements dans les infrastructures (1,26 milliard de FCFA) et les compétitions internationales (949 millions de FCFA) demeurent élevés, sans garantie de retour. La FSF prévoit également de réduire les primes et récompenses de 23 %, une mesure potentiellement impopulaire.

Un tournant décisif pour l’avenir du football sénégalais

Ce rapport financier 2024, tout en exposant les fragilités de la gestion actuelle, souligne également la nécessité d’une réforme structurelle. Avec des échéances électorales qui se profilent, l’avenir de la FSF se jouera autant sur sa capacité à rétablir l’équilibre financier que sur sa volonté de refonder sa gouvernance et de restaurer la confiance. La transparence, la rigueur et la rationalisation des dépenses apparaissent plus que jamais comme des impératifs.