
DEMBA KANDJI, MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE : « LES CITOYENS ONT LE DROIT DE CRITIQUER LEUR JUSTICE »

Dans un entretien exclusif accordé à la Radio RTS de Sédhiou, le Médiateur de la République, juge à la retraite Demba Kandji, s’est exprimé sur l’indépendance de la justice et les récentes polémiques visant le pouvoir judiciaire sénégalais. Ancien président de la Cour d’appel de Dakar, doyen des juges d’instruction et président de tribunal, il a tenu à rappeler avec force les principes qui fondent la magistrature, insistant notamment sur le caractère perpétuel du serment de juge.
« Je suis magistrat à la retraite, mais je reste magistrat. Le serment du magistrat est éternel, et nul organe de l’État ne peut en délier un magistrat », a-t-il affirmé d’emblée. Citant l’article 8 de la loi organique sur le statut de la magistrature, il a souligné que même les commissions parlementaires ne peuvent contraindre un magistrat à témoigner sur des faits appris dans le cadre de ses fonctions.
S’agissant de l’indépendance de la justice, le juge Kandji reconnaît que le débat est vieux, récurrent, mais toujours légitime. Toutefois, il insiste sur la dimension subjective du regard porté sur les décisions judiciaires : « La justice est une question de perception. Quand elle donne raison à mes proches, je dirai toujours qu’elle est bonne. Quand elle donne raison à mon adversaire, je la jugerai mauvaise. »
Ce phénomène, selon lui, est universel : « C’est ainsi au Sénégal, en France, aux États-Unis… C’est la nature humaine qui est ainsi faite. »
Reconnaissant les difficultés du système judiciaire sénégalais, Demba Kandji invite à la nuance : « Il faut donner à la justice les moyens d’accomplir ses missions, tout en gardant le droit de la critiquer. Mais c’est une justice sénégalaise, rendue par des citoyens sénégalais. Ce ne sont pas des colonisateurs ou des étrangers qui jugent nos concitoyens. »
Dans un contexte marqué par des attaques verbales et parfois politiques contre des magistrats, le Médiateur de la République appelle à la responsabilité tout en légitimant la critique citoyenne : « Il est normal que les Sénégalais s’interrogent sur leur justice. Ils doivent pouvoir la critiquer sans la délégitimer. »