
FMI : LA DETTE PUBLIQUE RÉVISÉE À 118,8 % DU PIB

La capitale sénégalaise a accueilli cette semaine Édouard Gemayel, à la tête d’une délégation du Fonds monétaire international (FMI), pour une mission qualifiée de « spéciale » par le représentant du FMI lui-même. Objectif : éclaircir les conclusions du rapport de la Cour des comptes publié à la mi-février et examiner les implications d’une dette publique sous-estimée depuis l’ancienne administration.
Une dette révisée à la hausse après l’audit international
Selon l’audit indépendant réalisé par le cabinet Forvis Mazars, la dette du gouvernement central, initialement évaluée à 74,4 % du PIB fin 2023, s’élève en réalité à 111 %. Fin 2024, elle a atteint 118,8 % du PIB, soit près de 6 à 7 milliards de dollars additionnels, représentant environ 25 % du PIB.
« Comme le rapport de la Cour des comptes le dit très clairement, il y a eu une décision consciente de sous-estimer ce stock de la dette pendant les années précédentes », a déclaré Édouard Gemayel sur RFI, confirmant l’ampleur du défi qui attend les autorités actuelles.
Des conséquences lourdes pour la crédibilité financière
Cette sous-estimation a permis à l’ancien gouvernement d’accéder plus facilement aux marchés financiers, profitant de taux d’emprunt plus favorables en envoyant aux investisseurs des signaux positifs. Mais pour le FMI, il est désormais indispensable de rétablir la fiabilité des statistiques budgétaires et de restaurer la confiance.
Deux options sont actuellement sur la table du Conseil d’administration du FMI : soit accorder une dérogation au Sénégal pour éviter le remboursement immédiat de certains décaissements effectués sur la base de données erronées, en échange de réformes correctrices ; soit exiger un remboursement intégral. « Ce n’est pas nous qui décidons, mais le Conseil d’administration », a rappelé M. Gemayel.
Des mesures correctives et judiciaires en cours
Le FMI a salué l’engagement des nouvelles autorités en faveur de la transparence. Plusieurs réformes sont en cours : centralisation de la gestion de la dette, renforcement du rôle du Comité national de la dette publique, audit des arriérés de paiement par l’Inspection générale des finances et mise en place d’une base de données unifiée.
Parallèlement, la justice sénégalaise pourrait être saisie, les manquements identifiés pouvant relever de qualifications pénales telles que le faux en écriture ou le blanchiment d’argent. « C’est le rôle de la justice sénégalaise de poursuivre ces faits », a précisé le représentant du FMI.
Une économie résiliente, mais sous pression
Malgré ces défis budgétaires, l’économie sénégalaise conserve une forte dynamique. La croissance a atteint 12,1 % au premier trimestre 2025, tirée par le démarrage de la production pétrolière et gazière dans les champs de Sangomar et GTA. Toutefois, la croissance hors hydrocarbures reste limitée à 3,1 %, freinée par les difficultés du secteur de la construction et des industries chimiques. L’inflation demeure maîtrisée à 0,7 % en glissement annuel.
Vers un nouveau programme soutenu par le FMI
Le Sénégal a réaffirmé sa volonté de solliciter un nouveau programme soutenu par le FMI, reposant sur quatre piliers stratégiques : transparence budgétaire et gestion rigoureuse des finances publiques, relance des secteurs stratégiques, développement du capital humain et équité sociale, ainsi que résilience face aux chocs climatiques.
Pour le moment, le programme en cours reste suspendu, le temps que le FMI finalise l’examen des données corrigées. « Jusqu’à ce jour, nous ne pouvons pas dire si le programme va reprendre. Nous devons résoudre le problème des fausses données, mais nous avançons le plus vite possible », a conclu Édouard Gemayel.