
JOURNÉES DE CONCERTATION DU SECTEUR DE LA COMMUNICATION : « IL EST ENCORE TEMPS DE CORRIGER LA TRAJECTOIRE DE LA PRESSE SÉNÉGALAISE » MOUSTAPHA CISSÉ SYNPICS

Les Journées de Concertation du Secteur de la Communication, organisées sous l’égide du ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, ont été marquées par l’intervention remarquée de Moustapha CISSÉ, Secrétaire général du SYNPICS et représentant de la Coordination des Associations de Presse (CAP). Dans un discours à la fois lucide et structurant, il a dressé un état des lieux sans complaisance du secteur de la presse, tout en traçant les contours d’une réforme ambitieuse et cohérente.
Une presse en souffrance, un secteur à réanimer
S’exprimant devant les autorités étatiques, les organisations de presse, la société civile et les partenaires techniques, M. CISSÉ a alerté sur l’essoufflement progressif du secteur. Selon lui, cette situation n’est pas le fruit d’un déficit de compétence ou de volonté, mais résulte d’un abandon structurel : entreprises de presse surendettées, contrats de publicité annulés sans mécanismes compensatoires, créances de l’État en suspens, et un Fonds d’Aide à la Presse devenu inopérant.
Sur le plan social, les effets sont tout aussi préoccupants : licenciements en série, salaires non versés, couverture sociale inexistante, fuite des talents et désaffection croissante des jeunes diplômés pour le métier. Ce contexte installe un climat de précarité chronique et de désenchantement professionnel.
Refonte juridique, gouvernance et régulation
Le représentant de la CAP a ensuite insisté sur la nécessité urgente de refondre le Code de la presse, jugé obsolète car élaboré sur une base datant de 2010 et inadapté aux évolutions du numérique et aux mutations du paysage médiatique international. Il appelle à un processus ouvert et inclusif pour redéfinir un cadre juridique protecteur, moderne et équilibré.
Concernant la régulation, il a pointé les limites structurelles du CNRA et l’inexistence de la HARCA, pourtant prévue par le Code. Il plaide pour la mise en place d’une autorité unique de régulation, dotée de moyens juridiques et techniques conséquents, capable de superviser efficacement l’ensemble du secteur dans le respect des principes démocratiques.
Financement, fiscalité et soutien à la modernisation
L’un des axes majeurs de son intervention a porté sur l’impératif de repenser entièrement le financement du secteur. Il propose notamment :
- Un programme national de mise à niveau des entreprises de presse, en lien avec le Bureau de mise à niveau ;
- Un statut fiscal spécifique pour la presse, reconnaissant son rôle stratégique ;
- Un Fonds d’Aide au Développement de la Presse (FADP) autonome, tripartite, avec des ressources stables ;
- Un fonds spécial de transformation numérique, pour permettre aux médias de se moderniser techniquement et de migrer vers les formats contemporains.
Priorité à la formation et à la souveraineté informationnelle
Moustapha CISSÉ a par ailleurs mis en exergue la nécessité de former et de professionnaliser les acteurs du secteur. À ses yeux, il ne peut y avoir de souveraineté médiatique sans un renforcement substantiel des capacités humaines et techniques.
Il a également attiré l’attention sur deux entités jugées stratégiques mais insuffisamment valorisées : la TDS (Télévision Diffusion du Sénégal) et la RTS (Radiodiffusion Télévision Sénégalaise). La TDS, socle de la diffusion audiovisuelle, requiert des investissements massifs pour garantir un accès équitable et sécurisé au signal numérique. Quant à la RTS, il plaide pour un financement structurant, durable et transparent, à la hauteur de ses missions de service public et de sa vocation nationale dans l’ère numérique.
Une stratégie nationale pour une presse forte et républicaine
En conclusion, le représentant de la CAP a proposé l’élaboration d’une Stratégie nationale d’Information et de Communication, intégrée aux grandes politiques publiques : éducation, santé, culture, cohésion sociale et développement territorial. Il appelle à un nouveau pacte entre l’État et la presse, fondé sur le respect mutuel et la reconnaissance du rôle essentiel de la presse comme infrastructure démocratique.
« Le Sénégal ne peut aspirer à la stabilité, à la souveraineté et à la modernité sans une presse libre, viable et structurée », a-t-il déclaré, appelant à transformer ces journées de concertation en actes concrets et durables.