
SÉOUL 1988-2025 : 37 ANS APRÈS, L’ARGENT OLYMPIQUE D’AMADOU DIA BÂ BRILLE ENCORE

Il y a exactement 37 ans, le 25 septembre 1988, El Hadji Amadou Dia Bâ gravait son nom dans le marbre de l’histoire olympique. Sur la piste du stade de Séoul, face aux plus grands sprinteurs-haies de la planète, le coureur sénégalais décrochait l’argent sur 400m haies et offrait au pays de la Teranga sa première et unique médaille olympique. Un exploit qui résonne encore aujourd’hui comme un hymne à la détermination africaine.
Le jour où le Sénégal toucha les étoiles
Ce 25 septembre 1988 restera à jamais gravé dans les annales du sport sénégalais. Dans l’arène coréenne, Amadou Dia Bâ, alors âgé de 30 ans, s’apprête à livrer la course de sa vie. Face à lui, deux monuments de l’athlétisme mondial : l’Américain André Phillips, futur champion olympique, et la légende Edwin Moses, détenteur de multiples records du monde et invaincu pendant près d’une décennie.
Mais ce jour-là, le destin avait choisi son camp. Tiré au sort dans le couloir 5, Dia Bâ confie à son entraîneur sa conviction profonde : « Avec ce couloir, j’obtiendrais une médaille. » Une prémonition qui allait se transformer en réalité dorée, ou plutôt argentée.
La course parfaite d’un tacticien hors pair
L’histoire de cette finale olympique est celle d’une stratégie millimétré et d’une exécution chirurgicale. Dia Bâ et son entraîneur avaient tout prévu : 13 pas entre les haies jusqu’à la sixième, puis un changement tactique pour finir en 14 pas. Une modification de dernière minute qui allait faire la différence.
« Cette course est tellement technique qu’on ne peut pas se contenter de faire un essai. Soit ça passe, soit ça casse », se souvient aujourd’hui le champion. Troisième avant la dernière haie, le Sénégalais savait qu’il possédait l’arme fatale : sa finish légendaire. « Moïse et Phillips savaient que si nous étions ensemble jusqu’à la dernière haie, ça pourrait mal tourner pour eux. »
Le chrono final parle de lui-même : 47″23, la meilleure performance de sa carrière, à seulement 4 centièmes de seconde du champion olympique André Phillips. Une marge infime qui sépare l’or de l’argent, mais une médaille qui vaut tous les ors du monde pour le Sénégal.
L’enfant de Pikine devenu légende continentale
Né le 22 septembre 1958, El Hadji Amadou Dia Bâ incarnait déjà avant Séoul la polyvalence africaine. Son palmarès continental impressionne : champion d’Afrique sur 400m haies à cinq reprises (1982, 1984, 1985, 1988), champion d’Afrique sur 400m plat (1982), et même médaillé de bronze en saut en hauteur aux Jeux Africains de 1978. Une versatilité rare qui témoigne de son talent athlétique exceptionnel.
« Sacrifiant sa jeunesse à l’entraînement et à la rigueur du sport de haut niveau, l’athlète a porté haut les couleurs du Sénégal sur la scène internationale », souligne l’enseignant-chercheur Mbaye Jacques Diop. « Sa médaille d’argent n’est pas seulement le symbole d’un exploit personnel ; elle représente l’endurance, la détermination et l’espoir de tout un peuple. »
Une génération d’or face aux géants américains
Dia Bâ évoluait dans ce qu’il appelle lui-même « une génération en or ». À cette époque dorée du 400m haies masculin, Edwin Moses régnait en maître absolu, mais la concurrence était féroce : André Phillips, l’Allemand Harald Schmid, et un certain Kevin Young qui établira le record du monde quatre ans plus tard à Barcelone.
« Pendant les quatre années entre 1984 et 1988, j’ai affronté les mêmes coureurs dans chaque épreuve. Nous nous connaissions donc tous », raconte le médaillé olympique. Cette familiarité avec l’élite mondiale lui avait permis d’affûter sa tactique et de croire en ses chances. En 1984 à Los Angeles, déjà finaliste olympique mais cinquième, il avait appris de ses erreurs pour revenir plus fort quatre ans plus tard.
Un héritage qui traverse les générations
Trente-sept ans après son exploit coréen, Amadou Dia Bâ reste une référence absolue. Son temps de 47″23 figure toujours dans le top 10 historique de la discipline, témoignage de la qualité exceptionnelle de sa performance. Mais au-delà des chronos, c’est son statut d’unique médaillé olympique sénégalais qui fait de lui une légende vivante.
« El Hadji Amadou Dia Bâ demeure une légende vivante, un modèle pour les jeunes sportifs qui rêvent de tutoyer les sommets », rappelle Mbaye Jacques Diop. Dans un pays où le football occupe souvent toute la place médiatique, l’athlète de Pikine prouve qu’avec du talent, de la détermination et un travail acharné, les sommets olympiques restent accessibles.
Le crépuscule d’un guerrier
L’histoire aurait pu être différente sans cette maudite blessure au tendon d’Achille qui survint après Séoul. « Je n’ai jamais réussi à m’entraîner à nouveau à pleine capacité », confie-t-il avec une pointe de nostalgie. Cette blessure l’empêchera de retrouver son niveau optimal et précipiera sa retraite sportive après les Jeux de Barcelone en 1992.
Mais qu’importe les regrets. Car ce 25 septembre 1988, pendant 47 secondes et 23 centièmes, Amadou Dia Bâ a fait vibrer tout un continent, prouvant que les rêves africains pouvaient se transformer en réalité olympique. Trente-sept ans plus tard, son exploit continue de briller et d’inspirer les nouvelles générations d’athlètes sénégalais.
Un champion, un modèle, une légende éternelle qui a offert au Sénégal son plus beau moment olympique. Et qui attend toujours qu’un successeur vienne rejoindre son panthéon solitaire.