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À DAKAR, OUSMANE SONKO APPELLE À « CONTINUER FANON » ET À REFONDER LA SOUVERAINETÉ AFRICAINE

a-la-une
18 déc. 2025
a-la-une

À l’occasion du Colloque international commémorant le centenaire de Frantz Fanon, tenu au Musée des Civilisations noires, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a prononcé un discours dense et offensif, mêlant hommage intellectuel, diagnostic politique et engagement gouvernemental. Loin d’une simple célébration mémorielle, le chef du gouvernement a présenté Fanon comme une boussole pour l’action contemporaine et un mandat à accomplir.

Dès l’ouverture, Ousmane Sonko a donné le ton : « Nous ne commémorons pas Fanon. Nous le continuons. » Une phrase-clé qui résume l’esprit de son intervention, articulée autour d’un refus de transformer l’œuvre du penseur martiniquais en objet figé ou consensuel. Pour le Premier ministre, Fanon demeure une pensée « brûlante », non parce qu’elle aurait échappé au temps, mais parce que les blessures qu’elle dénonçait coloniales, psychiques, politiques et économiques restent largement ouvertes en Afrique.

Fanon, médecin des âmes et analyste de la domination

Revenant longuement sur la première vocation de Frantz Fanon, la psychiatrie, Ousmane Sonko a insisté sur la portée profondément politique de son travail médical. À Blida-Joinville, en Algérie coloniale, Fanon aurait compris avant beaucoup que le colonialisme ne se limitait ni à l’exploitation économique ni à l’administration politique, mais constituait une véritable « pathologie » affectant aussi bien le colonisé que le colonisateur.

Selon le Premier ministre, cette lecture demeure centrale pour comprendre l’Afrique contemporaine. Les indépendances politiques n’auraient pas suffi à guérir les sociétés africaines des traumatismes hérités de la domination : dévalorisation des langues, dépendance symbolique, reproduction de modèles exogènes, intériorisation de l’obéissance. « La désaliénation est une politique publique », a-t-il affirmé, plaidant pour une réparation psychique collective comme condition de la souveraineté réelle.

Une critique toujours actuelle des élites postcoloniales

Le cœur politique du discours s’est appuyé sur l’analyse fanonienne des indépendances confisquées. Ousmane Sonko a rappelé la mise en garde sévère de Fanon contre les bourgeoisies nationales africaines, accusées de s’être substituées au colon sans transformer les structures de domination. Une élite « gestionnaire de la dépendance », plus préoccupée par la conservation de ses privilèges que par l’émancipation des peuples.

Cette critique, selon le Premier ministre, résonne fortement avec les colères populaires contemporaines, les révoltes de la jeunesse africaine et la remise en cause croissante des mécanismes néocoloniaux : dette, accords inégaux, tutelles institutionnelles et dépendance monétaire. « L’Afrique ne demande plus l’indépendance. Elle exige la souveraineté », a-t-il martelé.

Souveraineté monétaire et dignité économique

Parmi les points les plus sensibles abordés figure la question monétaire. Le Premier ministre a dénoncé le franc CFA comme un instrument de contrôle hérité du système colonial, façonnant autant les politiques économiques que les imaginaires. La réforme de l’éco, a-t-il estimé, reste inaboutie tant qu’elle ne rompt pas avec les logiques structurelles de dépendance.

Pour Ousmane Sonko, la souveraineté économique ne saurait exister sans souveraineté monétaire, condition indispensable pour investir librement dans la santé, l’éducation, l’agriculture et l’industrialisation. « Une monnaie servile produit une mentalité servile », a-t-il lancé, appelant à une économie politique de la dignité fondée sur la maîtrise des ressources et la fin des fuites de capitaux.

La diaspora, avant-garde de la décolonisation

Autre axe majeur du discours : la place stratégique de la diaspora africaine, qualifiée d’« avant-garde » de la décolonisation contemporaine. Ousmane Sonko a souligné son poids économique, culturel et politique, rappelant que les transferts financiers des diasporas dépassent souvent l’aide publique au développement. Il a également mis en avant leur rôle dans l’innovation, les luttes antiracistes et la production de nouveaux imaginaires transnationaux.

Dans un monde en recomposition géopolitique, marqué par le recul relatif de l’hégémonie occidentale et l’émergence de nouveaux pôles de puissance, l’Afrique et sa diaspora seraient appelées à parler d’une seule voix.

Un discours-programme assumé

Dans la dernière partie de son allocution, Ousmane Sonko a explicitement relié la pensée de Fanon à l’action de son gouvernement. Lutte contre la corruption, transparence budgétaire, remise en cause des accords contraignants, dénonciation de la présence militaire étrangère et affirmation du droit du Sénégal à choisir librement ses alliances : autant de décisions présentées comme des prolongements directs du combat fanonien.

S’appuyant sur la devise « Jub, Jubal, Jubanti » (droiture, intégrité, redressement), le Premier ministre a reconnu que la souveraineté restait un processus fragile et conflictuel, jamais définitivement acquis.

Dakar, carrefour des consciences africaines

En accueillant ce colloque, Dakar se positionne, selon Ousmane Sonko, comme un laboratoire intellectuel et politique, héritier de Cheikh Anta Diop, de Présence africaine, de la Négritude et des luttes contemporaines de la jeunesse. Un lieu où l’Afrique peut se regarder sans complaisance et oser se réinventer.

En déclarant officiellement ouverts les travaux du colloque, le Premier ministre a lancé un appel clair : achever ce que Fanon a commencé. Non par des discours, mais par des ruptures concrètes, institutionnelles, économiques et mentales. Tant que subsisteront des « damnés de la terre », a-t-il conclu, la pensée de Fanon restera une force vive et une exigence.

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