
ABDOU FALL : « LE SÉNÉGAL EST MÛR POUR UNE ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE »

Invité de l’émission Point de Vue sur la RTS, Abdou Fall a situé sa réflexion dans la continuité des progrès démocratiques du Sénégal. Pour l’ancien ministre d’État, la stabilité institutionnelle démontrée lors de l’alternance de 2024 doit désormais ouvrir la voie à un débat structurant sur l’organisation du pouvoir exécutif et la répartition des compétences entre institutions.
Saluant la gestion de la transition par le président Macky Sall, il rappelle que « la résilience de notre système électoral » a permis de traverser une phase politique marquée par « des tensions fortes et des incertitudes ». Ce fonctionnement républicain, qui a permis « d’aller à des élections tranquilles », constitue selon lui un acquis à valoriser. Mais il estime qu’il faut maintenant aller plus loin dans la modernisation de la gouvernance.
« Nous vivons toujours sous un modèle hérité des années 1960, un présidentialisme de type monarchique », observe-t-il. Dans une société où « les mentalités, la démographie et la culture citoyenne ont fortement évolué », Abdou Fall juge nécessaire d’examiner une transformation de l’architecture institutionnelle : « Je me demande comment quelqu’un peut-il avoir besoin de tous ces pouvoirs entre ses mains. La politique n’est pas une affaire d’hommes forts, mais d’institutions fortes qui s’autorégulent. »
Pour étayer son propos, il évoque deux précédentes configurations parlementaires — en 2012 et en 2022 — ayant frôlé une forme de dyarchie non prévue par la Constitution : « Notre texte fondamental n’a pas envisagé la situation d’un président élu avec une majorité parlementaire incertaine. La France, qui a inspiré notre modèle, a intégré ce mécanisme : quand la majorité change, le pouvoir exécutif glisse vers le Premier ministre. » Une anticipation juridique qui, selon lui, renforcerait la stabilité politique.
Abdou Fall estime ainsi que « le moment est venu de redéfinir les rôles » : un président qui « arbitre, garantit, protège la continuité de l’État » et un Premier ministre « responsable de la conduite de la politique de la nation », conformément à la volonté déjà exprimée par les nouvelles autorités de renforcer la fonction. « Il faut l’acter dans la Constitution », insiste-t-il, rappelant qu’une telle révision substantielle devrait passer par un référendum : « Même une majorité parlementaire écrasante ne peut changer seule la nature du régime. »
L’ancien ministre appelle également à « sortir d’une démocratie de confrontation », qu’il caractérise comme un héritage « d’une démocratie de guerre civile » importée, pour promouvoir « une démocratie de compromis » adaptée aux besoins d’un pays « encore en construction et qui ne peut se payer le luxe des affrontements permanents ».
Pour Abdou Fall, la perspective d’une « troisième République » n’est pas un slogan, mais une ambition de consolidation : « Le Sénégal est mûr. Nous avons la stabilité, l’expérience et la solidité démocratique pour repenser nos institutions avec sérénité. » À ses yeux, ce chantier pourrait constituer l’une des grandes contributions du président Bassirou Diomaye Faye à l’histoire institutionnelle nationale : « Régler définitivement la question de la distribution du pouvoir, c’est préparer l’avenir. »





