
ALASSANE BEYE ENSEIGNANT-CHERCHEUR À L’UGB | « L’ESPACE PUBLIC EST POLLUÉ PARCE QUE LES PARTIS ET LES MÉDIAS NE JOUENT PLUS LEUR RÔLE »

Invité de la matinale Salam Sénégal, le politologue et enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger, Alassane Beye, a livré une analyse critique de la dégradation de l’espace public au Sénégal. Selon lui, cette situation résulte de la crise de légitimité et de fonctionnement des partis politiques et des médias, qui ont abandonné leur rôle d’encadrement démocratique et d’éducation citoyenne.
S’appuyant sur les théories de Jürgen Habermas, Alassane Beye rappelle que « l’espace public doit être un lieu de débat d’idées sur les problèmes de la société ». Pourtant, constate-t-il, le climat actuel est marqué par des discours violents, des invectives et une perte de sens dans les échanges publics. Il déplore que les partis politiques, censés structurer la vie démocratique, soient désormais « détournés de leur mission » et plongés dans des polémiques de bas niveau. Les médias, de leur côté, sont accusés d’être instrumentalisés et de ne plus remplir leur rôle de contre-pouvoir et de médiation.
Alassane Beye a vivement critiqué les propos récents du ministre de l’Énergie, Birame Souleye Diop, appelant les militants à répondre aux insultes adressées à leur leader : « C’est vraiment déplorable, car c’est la force des arguments qui doit primer sur l’argument de la force. » Selon lui, cette sortie a brouillé la dynamique constructive initiée par PASTEF avec la formation politique de ses membres. « Ce discours vient détourner la mission éducative du parti, notamment à travers l’école du parti. Il crée une dissonance dans la communication gouvernementale. »
Pour le politologue, la communication gouvernementale devrait se concentrer sur les enjeux majeurs du pays : la relance économique, les réformes institutionnelles, et la recherche de solutions concrètes aux difficultés sociales. Il invite les responsables politiques à quitter le terrain des invectives pour recentrer le débat sur les actions concrètes du gouvernement : « Il faut insister sur le plan de redressement économique, sur les réformes en cours. Ce sont ces questions qui doivent structurer l’espace public. »
Alassane Beye alerte enfin sur les effets dévastateurs de cette culture de l’insulte sur les jeunes militants et sur la stabilité du pays : « Quand les militants voient leurs leaders se distinguer par les invectives, cela remet en cause l’éducation politique qu’on veut leur inculquer. » Il évoque un « échec » pour tout parti qui entretient ou tolère cette dérive, estimant que cela peut contribuer à fracturer l’unité nationale dans un contexte où « le Sénégal a plus que jamais besoin de paix et de sérénité ».