
LUTTE ANTITABAC AU SÉNÉGAL | VERS UNE RÉFORME LÉGISLATIVE AMBITIEUSE SOUS LA 15E LÉGISLATURE

Le Sénégal pourrait franchir un cap décisif dans la lutte contre le tabagisme, grâce à une réforme législative attendue depuis plus d’un an. À l’occasion d’une rencontre organisée par le Forum Civil dans le cadre du projet « Plaidoyer pour la taxation du tabac », soutenu par Tax Justice Network Africa (TJNA), la présidente de la Commission santé de l’Assemblée nationale, Khady Sarr, a réitéré son engagement à faire aboutir le projet de loi antitabac.
Adoptée en 2014, la loi actuelle est jugée inadaptée face aux nouveaux modes de consommation : chicha, e-cigarettes, tabac chauffé, et même des substances émergentes telles que le « zombie ». Le professeur Abdoul Aziz Kassé, cancérologue engagé de longue date dans la lutte antitabac, a lancé un appel à une réforme courageuse. « Ce qu’on a fait représente moins de 5% du travail. Il faut une loi forte, comprise et portée par les députés », a-t-il plaidé.
Le juriste Bamba Sagna, coordinateur régional de Campaign for Tobacco-Free Kids (CTFK), affirme que les textes, y compris les décrets d’application, sont finalisés. Seul manque leur programmation au Conseil des ministres. Pour Birahim Seck du Forum Civil, la déclaration de politique générale du Premier ministre constitue un signal fort : « La loi antitabac est désormais une priorité. Si les députés s’activent, elle pourrait figurer à l’agenda législatif dès la prochaine session. »
Au-delà de la santé publique, la réforme soulève des questions de souveraineté économique. Aujourd’hui, l’État sénégalais ne capte que 25 % des revenus du secteur du tabac, contre 75 % dans les pays développés. « C’est une aberration économique », estime Birahim Seck, qui appelle à une fiscalité plus juste.
Pour faire face au lobbying de l’industrie du tabac, le Forum Civil prévoit une série de séminaires pour sensibiliser les parlementaires et renforcer leur appropriation du texte. Chercheurs, société civile et médias sont également mobilisés pour soutenir une réforme structurante, destinée à protéger les jeunes et à renforcer la gouvernance sanitaire du pays.
La 15e législature sénégalaise est ainsi placée devant un défi majeur : transformer une volonté politique en acte législatif concret. L’occasion, pour les parlementaires, de s’inscrire dans la continuité des combats de santé publique, tout en répondant à un impératif de justice sociale et de souveraineté fiscale.