
RÉVISION DU PIB AU SÉNÉGAL | ENTRE STRATÉGIE ÉCONOMIQUE ET EXIGENCE DE TRANSPARENCE

Confronté à une crise de confiance des marchés et à une dégradation de sa note souveraine, le Sénégal engage une révision de la base de calcul de son produit intérieur brut (PIB), dans l’espoir de redresser ses indicateurs macroéconomiques et de regagner la confiance des bailleurs.
Annoncée officiellement par le ministère des Finances, cette opération technique consiste à actualiser l’année de base du PIB, afin de refléter de manière plus précise la structure économique actuelle du pays. Il s’agit d’intégrer les secteurs émergents comme l’économie numérique, les services ou les industries extractives, souvent sous-évalués dans les précédentes estimations.
Cette démarche, bien que courante sur le continent, intervient dans un contexte particulièrement tendu pour le Sénégal. En 2023, la révélation de dettes non déclarées de plusieurs milliards de dollars avait conduit à la suspension du programme d’assistance du FMI et à l’effondrement des obligations sénégalaises sur les marchés. Plus récemment, l’agence de notation Standard & Poor’s a abaissé la note souveraine du pays, pointant un ratio dette/PIB proche de 120 %, un seuil alarmant pour les investisseurs.
En révisant son PIB à la hausse, le Sénégal espère mécaniquement réduire ce ratio très scruté par les marchés, et ainsi améliorer son image de solvabilité. C’est une stratégie déjà utilisée avec succès par d’autres pays africains : le Nigeria, par exemple, avait vu son PIB grimper de 89 % en 2014 après une opération similaire ; le Ghana avait enregistré une hausse de 60 % en 2010. Ces ajustements statistiques, s’ils ne changent rien aux réalités économiques de terrain, permettent néanmoins de repositionner les pays sur l’échiquier international.
Mais cette manœuvre suscite également des interrogations. Plusieurs économistes soulignent que, si le nouveau PIB améliore les indicateurs de dette, il ne réduit pas pour autant les besoins bruts de financement du pays. « C’est une amélioration cosmétique qui doit s’accompagner de réformes structurelles fortes », préviennent-ils.
Le FMI, tout en prenant acte de cette révision, attend toujours des éclaircissements sur les dettes cachées et sur les failles du système de gestion budgétaire. Ce n’est qu’à ce prix qu’un retour de la confiance internationale pourrait se concrétiser.
La révision du PIB est un outil utile, voire nécessaire, pour mieux refléter la réalité économique du Sénégal. Mais elle ne pourra produire ses effets qu’en parallèle d’une gestion rigoureuse des finances publiques, d’une transparence accrue, et d’une volonté politique affirmée pour rétablir la crédibilité budgétaire du pays.