
« WËNDÉELU, TAXAWAALU, TAMBAMBALU… » : QUAND L’ÉCHO D’UN CRI TRAVERSE LE TEMPS

« Wëndéelu, taxawaalu, tambambalu… » Ces mots roulent aujourd’hui sur les lèvres comme une blague, un gimmick TikTok, un rythme dansant qui traverse les écrans sans qu’on en cherche l’origine. Pourtant, cette litanie virale vient d’un lieu profond. Elle est née dans la gorge d’une femme, Kiné Lam, qui en 1991, alors que le silence tuait plus sûrement que la maladie, a décidé de chanter ce que tout le monde fuyait : le Sida.
Le chant d’une lucidité maternelle
En 1991, alors que le mot “Sida” effraie encore, qu’il se chuchote dans les couloirs comme une malédiction, Kiné Lam le hurle. Pas avec colère, mais avec cette tendresse grave qui n’appartient qu’aux mères conscientes du danger. Dans SIDA, morceau extrait de l’album Galass, elle dit ce que d’autres taisent. Elle nomme. Elle martèle. Elle protège.
La musique ne cherche pas à plaire. Elle suit la parole, la soutient, la porte comme une marche funèbre consciente de sa mission. Ce n’est pas une chanson qu’on écoute, c’est une chanson qui vous regarde. Et qui vous parle.
Une artiste ancrée dans le temps, mais non soumise à lui
Il y a chez Kiné Lam une capacité rare : celle de créer une œuvre hors du temps. En 1991, sa parole sonne comme une alarme. En 2025, elle réapparaît comme un refrain devenu farce. Et pourtant, rien n’est effacé. La mémoire reste. Même déguisé en divertissement, le message survit.
Car on ne peut pas réellement tourner le dos à une voix aussi profondément enracinée dans la culture populaire. Kiné Lam ne chante pas seulement. Elle sculpte des vérités. Elle grave, dans la matière sonore, des éclats de conscience. Et ceux-ci reviennent, parfois masqués, parfois travestis, mais toujours vivants.
Une œuvre transmise par le souffle et les siècles
Galass, l’album, aborde mille visages du réel : amour, douleur, spiritualité, dignité. Et dans SIDA, Kiné Lam devient cette griotte contemporaine qui ne craint pas la vérité. Elle transforme la chanson en rempart, le rythme en rituel, la mélodie en mémoire. Elle rappelle à chacun que la musique peut être arme, abri, lumière.
Aujourd’hui, les jeunes répètent son refrain sans savoir, mais peut-être que quelque chose de son message se glisse, malgré tout, entre les pixels des écrans. Peut-être que ce que l’on croit oublié ne fait que dormir.
Et si ce rire, ce détournement, n’était pas une trahison, mais une autre forme de transmission ?
Kiné Lam appartient à cette race rare d’artistes dont la voix continue, même quand le monde change de tempo. Elle est l’écho d’un Sénégal lucide et courageux. Une sentinelle douce, dont les mots, à force d’être dits, finiront par être compris. À nouveau.