
ASSEMBLÉE NATIONALE : UN TRIPTYQUE DE RÉFORMES POUR DOPER L’INVESTISSEMENT ET ÉLARGIR LA BASE FISCALE

L’Assemblée nationale s’apprête à examiner un paquet législatif composé d’un nouveau Code des investissements, d’ajustements du Code général des impôts (CGI) et d’une mise à jour de la loi instituant la redevance sur l’accès ou l’utilisation du réseau des télécommunications publiques (RUTEL). Au-delà de la technique, l’enjeu est politique et macroéconomique : donner corps au Plan de redressement économique et social (PRES) présenté par le Premier ministre Ousmane Sonko, qui privilégie un financement largement domestique de la relance et l’assainissement des comptes publics, dans un contexte marqué par la mise en production du pétrole et du gaz. Selon la feuille de route dévoilée début août, le PRES vise à couvrir environ 90 % de ses besoins par des ressources internes, en misant sur une meilleure mobilisation fiscale et la réduction des niches, alors que le pays sort d’un épisode de turbulences budgétaires révélé par des audits et suivi d’une suspension temporaire du programme avec le FMI.
Le projet de Code des investissements actualise en profondeur l’architecture de 2004. Il élargit le champ des secteurs éligibles, digitalise les procédures d’agrément et de suivi, clarifie la protection des investisseurs, facilite l’accès au foncier et renforce le rôle de l’agence nationale de promotion des investissements dans la facilitation et la prévention des conflits. Surtout, il révise les seuils pour intégrer les TPE/PME au régime de droit commun et prévoit des régimes fiscaux et douaniers dérogatoires, assortis d’incitations non fiscales, afin de mieux orienter l’investissement vers les territoires de l’intérieur, le contenu local et la durabilité. L’ambition est d’adapter l’outil à la Vision Sénégal 2050 et à la nouvelle donne productive, alors que les premiers revenus des hydrocarbures commencent à changer l’échelle des projets.
La réforme du CGI s’inscrit dans la même logique de souveraineté financière. Elle introduit une taxe de 20 % sur la part de gain des opérateurs de jeux de hasard et une retenue à la source de 20 % sur les gains des joueurs, avec un double objectif de santé publique et de rendement. Elle envoie aussi un signal pro-inclusion financière : extension du droit de timbre de 1 % à tous les paiements en espèce pour décourager le cash, création d’une taxe sur les transferts d’argent à 0,5 % plafonnée à 2 000 F par opération — avec des exonérations pour les dépôts d’espèces convertis en monnaie électronique et pour les petits retraits — et assujettissement des encaissements par code marchand. Enfin, l’ajustement des accises sur l’alcool (importé à 65 %, local à 40 %) et sur le tabac (porté à 100 %), ainsi que l’extension de la taxe spécifique aux véhicules de tourisme importés, traduit une volonté de corriger des externalités négatives tout en élargissant l’assiette.
Le projet modifiant la loi RUTEL met un terme à la suspension des droits et taxes de douane sur les appareils de téléphonie fixée en 2008, au moment où l’urgence était la démocratisation de l’accès. Quinze ans plus tard, l’explosion de la demande et la sous-fiscalisation du segment plaident pour la réactivation des prélèvements à l’import, en conformité avec le Tarif extérieur commun de la CEDEAO. Le gouvernement parie que la mesure, conjuguée aux incitations du nouveau Code, ne bridera pas l’innovation mais contribuera à la consolidation budgétaire en réduisant les distorsions.
Ce virage intervient alors que l’économie change d’échelle. Au Parlement, le débat s’annonce dense : climat des affaires, bancarisation, pouvoir d’achat, équilibre entre rendement fiscal et compétitivité, territorialisation de l’investissement. Si le triptyque législatif est adopté, le Sénégal disposerait d’un cadre pro-investissement modernisé et d’outils fiscaux mieux alignés sur le PRES, avec une promesse claire : financer la relance par des ressources endogènes, sécuriser les équilibres macroéconomiques et ancrer durablement la croissance dans les territoires.
