
COMPRENDRE LE PLAN DE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE : CE QUE LE SÉNÉGAL S’APPRÊTE À VIVRE

Ce vendredi 1er août 2025, le Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, et le Premier ministre, Ousmane Sonko, présenteront au peuple sénégalais le plan de redressement économique national, un document crucial attendu depuis plusieurs mois. Si l’expression est désormais bien connue du grand public, son contenu, ses implications et ses objectifs restent encore flous pour beaucoup.
Dans un souci de pédagogie et de transparence, cet article vous explique ce qu’est un plan de redressement, pourquoi il s’impose aujourd’hui, quelles réformes ont été annoncées, et ce qu’ont fait d’autres pays dans des contextes similaires.
Définition : qu’est-ce qu’un plan de redressement économique ?
Le plan de redressement économique est une démarche gouvernementale globale et structurée visant à restaurer l’équilibre des finances publiques, à corriger des déséquilibres profonds, et à reconstruire une trajectoire de croissance saine et durable.
Selon Gérard-François Dumont, professeur d’économie géographique et spécialiste des politiques publiques, un plan de redressement peut être défini comme : « un ensemble cohérent de mesures budgétaires, structurelles et parfois institutionnelles, destiné à rétablir la stabilité financière d’un État et à restaurer sa crédibilité auprès de ses citoyens et partenaires financiers. »
Dans le secteur privé, cette notion est comparable à celle utilisée en droit commercial : lorsqu’une entreprise est en difficulté, elle peut proposer un plan de redressement devant le tribunal pour rééchelonner ses dettes, réorganiser sa gestion, et éviter la faillite. Appliqué à un État, le mécanisme est différent dans la forme, mais identique dans l’esprit.
Le Blog du Dirigeant résume ainsi l’idée dans un langage accessible : « le plan de redressement vise à restructurer les dettes, ajuster les dépenses et retrouver une stabilité économique en rassurant les créanciers et partenaires ».
Pourquoi le Sénégal a-t-il besoin d’un tel plan aujourd’hui ?
En mars 2024, quelques semaines après l’alternance politique, les nouvelles autorités découvrent une situation budgétaire bien plus dégradée que celle annoncée.
Un audit commandé par le gouvernement montre que :
- le déficit budgétaire 2023 dépasse 10 % du PIB, contre 5 % dans les chiffres officiels précédents,
- la dette publique, jusque-là estimée à 74,4 % du PIB, est en réalité proche de 100 % selon la Cour des comptes,
- et certaines estimations, notamment de la banque Barclays, la situent à 119 % du PIB, ce qui impliquerait l’existence de 13 milliards de dollars de dettes cachées, principalement issues d’engagements contractés par des entreprises publiques sans transparence budgétaire.
Cette révélation choque non seulement l’opinion publique, mais aussi les partenaires techniques et financiers du Sénégal.
Ce qu’a déjà annoncé le Premier ministre : réforme de l’État, sobriété budgétaire
Face à cette urgence, le Premier ministre Ousmane Sonko a entrepris d’expliquer pas à pas les grands chantiers du futur plan, en attendant sa présentation officielle.
L’une des mesures phares concerne la réduction du train de vie de l’État. Le chef du gouvernement a annoncé la suppression ou la fusion de plusieurs agences étatiques jugées redondantes ou peu efficaces.
Il s’agit de mettre fin à la coexistence de structures qui accomplissent les mêmes missions, parfois avec des budgets lourds et sans coordination. À titre d’exemple, certains fonds de soutien à la microfinance ou à l’entrepreneuriat féminin seront regroupés au sein d’une seule entité.
Cet effort de rationalisation vise à réduire les dépenses publiques inutiles, à accroître l’efficacité administrative, et à libérer des ressources pour les secteurs prioritaires, comme la santé, l’éducation ou l’emploi des jeunes.
Parallèlement, un audit du personnel de l’État est en cours pour mieux encadrer les effectifs et les salaires, notamment dans les hautes sphères de l’administration.
D’autres pays l’ont fait : Mozambique, Grèce, Pologne…
La situation du Sénégal n’est pas unique dans l’histoire contemporaine. Plusieurs pays ont dû, à un moment de leur histoire, mettre en œuvre des plans de redressement similaires, avec des niveaux de complexité et de sacrifices variables.
Le Mozambique, en 2016, a révélé près de 2 milliards de dollars de dettes cachées contractées par des entreprises publiques. Le scandale a provoqué un effondrement de l’aide internationale. Le gouvernement a dû accepter une surveillance budgétaire renforcée, réformer la gestion des entreprises publiques, renégocier sa dette, et accroître la transparence dans les finances publiques.
La Grèce, après 2010, a traversé une crise de dette souveraine. Le pays a dû réduire le nombre d’agences publiques, réformer ses systèmes de retraite, diminuer les salaires des hauts fonctionnaires et renforcer la collecte des impôts. Ces efforts ont été douloureux pour la population, mais ils ont permis au pays de retrouver l’accès aux marchés financiers plusieurs années plus tard.
La Pologne, dans les années 1990, a appliqué une stratégie que certains économistes ont appelé « thérapie de choc ». Elle a libéralisé son économie, réduit drastiquement les subventions étatiques, et modernisé son administration. Grâce à cette réforme profonde, le pays est aujourd’hui l’un des moteurs économiques de l’Europe centrale.
Ces expériences démontrent que le redressement est possible, mais qu’il exige de la volonté politique, de la discipline, et une forte capacité de pédagogie auprès des citoyens.
Une étape décisive pour la souveraineté économique du Sénégal
Le plan qui sera présenté ce vendredi 1er août 2025 n’est pas un simple document budgétaire. C’est un acte politique majeur, qui pose les bases d’un Sénégal nouveau : plus responsable dans la gestion de l’argent public, plus transparent dans ses engagements, et plus ambitieux dans sa vision économique.
Ce plan dira au monde, mais surtout aux sénégalais, que le pays fait le choix de la vérité, de la réforme, et de la souveraineté. Il ne sera pas sans effort. Mais il pourrait devenir, avec le temps, le socle d’une économie plus stable, plus inclusive, et mieux gouvernée.