Le monde artistique sénégalais est en deuil. Abdoulaye Diallo, plus connu sous le nom de « Berger de l’île de Ngor », s’est éteint ce jeudi à l’âge de 72 ans, des suites d’une maladie. La levée du corps est prévue ce vendredi à 10 heures à Castors. Avec lui disparaît une figure majeure de la scène culturelle sénégalaise, mais demeure un héritage foisonnant, empreint de mémoire, de partage et d’humanité.

Ancien ingénieur en télécommunications, Abdoulaye Diallo avait découvert l’île de Ngor en 1985 lors d’une mission technique. Ce fut une rencontre fondatrice. Fasciné par ce « bout de terre », qu’il surnommait affectueusement la « fille du volcan », il y posa les bases de sa seconde vie. À 60 ans, il se réinvente en peintre autodidacte et fait de sa maison rouge sur la plage un lieu hybride : atelier, musée vivant, espace de réflexion et de création ouvert à tous.

Son œuvre, profondément symbolique, plaçait la femme au centre, chaque toile étant composée de neuf couches en référence aux neuf mois de grossesse. Ses créations mêlaient mémoire et espoir, explorant les cultures sénégalaises, les rites traditionnels et les figures de l’histoire africaine. À la Biennale de Dakar en 2018, il marqua les esprits avec sa réflexion : « Quelle humanité pour demain ? », question qu’il poursuivit dans l’édition suivante autour du thème sérère « Ĩ Ndaffa# », signifiant « forger ».

Visionnaire et passeur, Abdoulaye Diallo aura été le premier Africain à exposer au Musée de l’Homme à Paris. Mais au-delà des honneurs, il restera dans la mémoire collective comme un homme du partage. Sa maison-atelier était un penc moderne, accueillant artistes, chercheurs, curieux et visiteurs de tous horizons. L’artiste aimait aussi embarquer ses hôtes pour une traversée en pirogue autour de son île, comme pour leur faire toucher son univers au plus près.

Avec sa disparition, c’est une voix singulière et généreuse qui s’éteint. Mais son œuvre, telle une ancre jetée dans la mémoire et tournée vers l’avenir, continue de résonner. Abdoulaye Diallo laisse derrière lui un vide immense, mais aussi une leçon de transmission et de rêve pour les générations futures.