
LOYERS EXCESSIFS : MAÎTRE MASSOKHNA KANE DÉNONCE L’IMPUISSANCE DE LA COMMISSION DE RÉGULATION

Maître Massokhna Kane a abordé la question critique des loyers au Sénégal, domaine où il estime que les dispositifs mis en place ne produisent pas les résultats escomptés. Il part du constat que les loyers sont chers et que la priorité doit être de les rendre équitables. Il rappelle qu’une commission de régulation des loyers a été créée, mais critique ouvertement son fonctionnement. Selon lui, cette commission « est non seulement inopérante, mais elle est impuissante » parce qu’elle ne dispose pas des instruments juridiques nécessaires pour accomplir sa mission de régulation.
Maître Kane a demandé une évaluation du travail de cette commission, qui n’a pas encore été conduite. Il considère que les budgets dépensés pour son fonctionnement sont gaspillés puisque la structure ne peut pas marcher. Il avait d’ailleurs dénoncé la création de cette commission dès le départ, estimant que les mécanismes de régulation existants auraient dû être renforcés plutôt que de créer une nouvelle structure.
Les mécanismes existants : régulation judiciaire et administrative
Selon le leader de SOS Consommateurs, la solution ne passe pas par la création de nouvelles commissions, mais par l’activation des instruments de régulation déjà en place.
La régulation judiciaire doit se faire devant le juge, qu’il soit juge des référés ou juge des loyers. Il note qu’actuellement, des centaines de dossiers de conflits entre locataires et bailleurs passent chaque semaine devant ces juridictions. Le juge des loyers a le pouvoir d’arbitrer les litiges et peut être saisi à tout moment. Maître Kane souligne que lorsqu’un bailleur demande un montant considéré comme excessif et ne fournit pas de décompte à l’entrée, le locataire peut saisir le juge des loyers. Au-delà de cette action civile, il est également possible d’attaquer le bailleur au pénal s’il est établi qu’il a pratiqué un trop-perçu.
La régulation administrative doit, quant à elle, être assurée par les structures existantes : la direction des domaines et la direction du commerce intérieur, qui sont normalement en charge du contrôle des loyers. Selon lui, si ces instruments fonctionnaient correctement, il n’y aurait pas de problème de régulation des loyers.
L’équilibre des droits entre locataires et bailleurs
Maître Kane insiste sur la nécessité de préserver l’équilibre des droits entre les deux parties. Il illustre son propos en prenant l’exemple d’un retraité qui a contracté un prêt auprès d’une banque pour construire et qui loue son bien pour vivre.
Si ce propriétaire a un locataire qui cesse de payer ses loyers après trois mois, le bailleur se retrouve à perdre ses revenus. Dans ce cas, il peut assigner le locataire devant le juge des référés pour obtenir son expulsion et récupérer son bien afin de le relouer. Cependant, il reconnaît aussi que les locataires font face à une réalité difficile : beaucoup n’ont pas le choix et occupent des logements qui dépassent leurs revenus par manque d’alternatives. Un locataire gagnant 300 000 francs CFA par mois peut être contraint d’occuper un logement coûtant 200 000 francs, faute de mieux.
Maître Kane soulève la question de la spéculation sur les loyers, un phénomène qu’il considère comme généralisé chez beaucoup de bailleurs. Il souligne que c’est précisément à cela que doit servir la régulation : arrêter cette pratique. Il appelle à une meilleure application des lois existantes. Notamment, si un bailleur ne fournit pas de décompte à l’entrée, il est déjà en infraction. Les dispositifs judiciaires permettent aux locataires de contester des montants jugés trop élevés, mais ces mécanismes doivent être mieux connus et utilisés.
L’habitat social comme solution structurelle
Maître Kane estime que les mesures correctives n’ont pas suffisamment résolu le problème. L’ancien régime a tenté des actions, mais les loyers restent trop chers. Selon lui, la véritable solution doit être d’ordre structurel.
La solution structurelle passe par la promotion massive de l’habitat social. Un développement important des logements sociaux financerait l’accès à la propriété pour un grand nombre de Sénégalais, qui seraient alors dispensés de payer des loyers. Certains pourraient accéder à la propriété via des systèmes de location-vente, soutenus par le système bancaire.
Maître Kane appelle les autorités à rassembler les vrais acteurs impliqués dans la question du logement et à définir une stratégie à long terme, voire à moyen terme, axée sur l’habitat social comme réponse durable à la crise du logement.