
RÉFORME DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’ASSEMBLÉE : AYIB DAFFÉ DENONCE UNE INTERPRÉTATION « EXAGÉRÉE » DE LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Suite à la décision du Conseil constitutionnel relative à la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, le député Ayib Daffé, président du groupe parlementaire et secrétaire général du parti au pouvoir, PASTEF-Les Patriotes, a tenu à clarifier les faits. Selon lui, les commentaires évoquant un « désaveu » ou une « humiliation » de la majorité parlementaire sont « exagérés » et reposent sur une lecture erronée de la décision juridictionnelle.
Face aux critiques, Ayib Daffé, invité de l’émission Point de Vue de la RTS, rappelle que le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité du nouveau règlement intérieur, déclarant conforme à la Constitution l’essentiel du texte. Sur près de 136 articles, seuls un article et trois alinéas ont été jugés non conformes. « Sur environ 1 000 alinéas, trois ont été censurés. Il faut relativiser », insiste-t-il.
Il s’agit notamment des articles liés à : la convocation par la force de personnes (y compris magistrats) par les commissions d’enquête parlementaire, la déchéance des droits civiques en cas de condamnation pénale, la motion de censure, et le renouvellement de la Haute cour de justice.
Une volonté de renforcer le contrôle parlementaire
Ayib Daffé explique que la réforme visait à moderniser le fonctionnement de l’Assemblée nationale et à renforcer ses outils de contrôle, notamment à travers les commissions d’enquête parlementaire. Sur ce point, l’article 56 du règlement prévoyait la possibilité pour le président de l’Assemblée de recourir aux forces de l’ordre en cas de refus de comparution, disposition que le Conseil a censurée. « Cela ne voulait pas dire que la personne était mise en cause, mais qu’elle devait coopérer avec une institution représentative du peuple », précise-t-il.
Le débat s’est particulièrement cristallisé autour de la possibilité pour l’Assemblée de convoquer des magistrats. Si l’article en question n’a pas été censuré, il a été assorti d’une réserve d’interprétation très stricte : la comparution ne peut concerner des affaires judiciaires en cours ou passées, elle doit être volontaire, et l’autorisation du ministre de la Justice est requise.
Pour Ayib Daffé, ces conditions reviennent à « surprotéger les magistrats » et à restreindre excessivement le pouvoir d’investigation du Parlement. « Il ne faut pas créer une noblesse d’État, comme disait Pierre Bourdieu. Les magistrats doivent aussi pouvoir être entendus, dans le cadre du service public de la justice. »
Des points techniques, pas des blocages politiques
Sur les autres points censurés, le député relativise également : concernant la déchéance en cas de condamnation pénale, le Conseil estime que l’ajout d’une précision sur la perte des droits civiques relevait d’une modification constitutionnelle, et non organique.
Sur la motion de censure, l’alinéa incriminé existait déjà dans le règlement actuel depuis 2024, et avait été validé par la même juridiction à l’époque.
Quant à la Haute cour de justice, la mention « après renouvellement » avait simplement été omise dans la reprise d’un article pourtant inchangé.
Pour Ayib Daffé, la portée juridique de la décision du Conseil ne doit pas masquer sa dimension politique. « Peut-être que les membres du Conseil constitutionnel, majoritairement issus de la magistrature, ont eu un réflexe de protection corporatiste », suggère-t-il. Il reconnaît toutefois la légitimité du contrôle de constitutionnalité, mais invite à ne pas caricaturer le processus : « Le Parlement joue son rôle législatif, le Conseil le sien. Mais il ne faut pas étouffer le pouvoir de contrôle de l’Assemblée. »