
RELANCE MARITIME ET DÉFI DE L’EMPLOI : MAMADOU NDIONE APPELLE À UNE VISION STRATÉGIQUE PARTAGÉE

Mamadou Ndione, maire de Diass et expert en économie maritime, appelle à une révision stratégique en profondeur de la politique portuaire du Sénégal. Selon lui, le port de Dakar doit être repensé à l’aube de l’ouverture de Ndayane, et la gouvernance maritime mieux articulée aux enjeux de développement territorial et d’emploi des jeunes.
Intervenant dans l’émission Point de Vue, Mamadou Ndione, expert en économie maritime, a livré une analyse sans détour sur l’état et l’avenir de l’économie maritime sénégalaise. Ancien directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs et expert du secteur portuaire, il a partagé sa vision des leviers à activer pour transformer le potentiel maritime du pays en véritable moteur de développement économique.
Mamadou Ndione a d’abord interpellé les autorités sur l’avenir du port autonome de Dakar, qu’il considère comme en perte de viabilité à cause de l’engorgement chronique et d’un manque d’anticipation stratégique : « Nous avons une économie qui repose sur un port qui n’est plus viable. Le port de Dakar est victime d’un engorgement. Il faut corriger cela immédiatement. »
À ses yeux, l’ouverture prochaine du port de Ndayane, le plus grand investissement privé depuis l’indépendance – soulève une question fondamentale : « Que ferons-nous du port de Dakar quand Ndayane sera fonctionnel ? », s’interroge-t-il ?
Il propose d’en faire le « vieux port » du Sénégal, à l’image de celui de Marseille, mais insiste sur la nécessité d’une réflexion stratégique nationale, en impliquant les collectivités territoriales :
« Je suis maire de Diass, une des trois communes concernées par le port de Ndayane. Pourtant, nous ne sommes pas pleinement impliqués dans la planification stratégique. »
Un hub maritime à construire avec lucidité
Selon Mamadou Ndione, le Sénégal détient un avantage comparatif naturel avec ses 700 kilomètres de côtes et sa position géographique unique : « Nous sommes la pointe de l’Afrique, le territoire le plus proche des États-Unis. »
Pourtant, cet atout reste sous-exploité, notamment à cause de choix stratégiques passés. Il cite en exemple l’évolution du port de Lomé, qui a su attirer un armateur mondial, et celle de Tanger Med, devenu un modèle grâce à l’alliance entre transbordement et zones économiques spéciales.
« Le Sénégal, en 2008, a confié son port à un opérateur logistique terrestre, non armateur. Pendant ce temps, d’autres capitalisaient sur des partenariats stratégiques portuaires.
Mamadou Ndione plaide pour que Ndayane soit pensé comme un hub logistique intégré, avec un impact direct sur l’économie réelle et les terroirs. « Si on rate cela, on aura un port, mais sans impact réel », a-t-il déclaré.
Au-delà des infrastructures portuaires, Mamadou Ndione rappelle que l’économie maritime ne se résume pas au transport. La pêche, secteur névralgique et pourvoyeur d’emplois, doit également être renforcée. Il évoque notamment l’enjeu de l’exploitation offshore des hydrocarbures, qui devrait s’accompagner d’une structuration cohérente des services maritimes.
« Le rôle du port, ce n’est pas de produire de la richesse directement, mais d’organiser un environnement économique propice. »
Emploi des jeunes : entre urgence et structuration
Abordant la priorité gouvernementale de l’emploi des jeunes, Mamadou Ndione a tenu à rappeler la complexité de la problématique : « Il y a l’emploi, mais aussi l’employabilité. Le rôle de l’État, c’est de créer un environnement où l’emploi salarié et l’auto-emploi peuvent coexister. »
Pour lui, les politiques publiques doivent mieux cibler les jeunes en marge du système : « Dans un pays où 65 % de la population a moins de 25 ans, il faut une politique d’emploi ambitieuse, durable, et connectée aux réalités économiques. »
Il a également évoqué le potentiel de filières spécifiques comme l’anacarde, secteur vital pour certaines zones rurales et porteur d’opportunités à l’export.
En filigrane, Mamadou Ndione appelle à une gouvernance plus inclusive, collaborative et tournée vers les territoires, notamment dans la mise en œuvre des grands projets d’infrastructure.
Il suggère une réforme de l’autorité portuaire, pour qu’elle reflète davantage l’ambition maritime nationale : « Le port autonome de Dakar pourrait ne plus être simplement ‘de Dakar’. C’est toute une vision maritime nationale qu’il faut porter. »