
SEYDI GASSAMA : “LES FONCTIONS PUBLIQUES DOIVENT ÊTRE UN SACERDOCE, PAS UN MOYEN DE S’ENRICHIR”

À la veille de l’examen à l’Assemblée nationale de quatre projets de loi jugés essentiels pour la transparence et la bonne gouvernance, le directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, s’est exprimé dans l’émission Point de Vue sur la RTS. Ces textes concernent l’accès à l’information, la protection des lanceurs d’alerte, la déclaration de patrimoine et la réorganisation de l’OFNAC (Office national de lutte contre la fraude et la corruption).
Une avancée vers plus de transparence
Pour M. Gassama, ces réformes législatives traduisent « une volonté forte du régime de lutter contre la mauvaise gouvernance et d’instaurer une véritable culture de redevabilité ». Il souligne que l’initiative répond à une promesse politique du président Bassirou Diomaye Faye dès son arrivée au pouvoir, qui avait fait de la lutte contre la corruption l’un des piliers de son action.
Cependant, l’activiste rappelle que « les lois, aussi bonnes soient-elles, doivent être évaluées à l’épreuve de leur mise en œuvre », appelant à une vigilance constante et à des révisions si nécessaire afin d’éviter que ces outils ne restent lettre morte.
Lanceurs d’alerte : priorité à la protection
Interrogé sur le texte relatif aux lanceurs d’alerte, Seydi Gassama a insisté sur l’importance de la protection des citoyens qui osent dénoncer les abus : « Ce que les citoyens réclamaient avant tout, c’est d’être protégés contre la répression dans leurs services. »
S’il reconnaît que la prime de 10 % prévue pour encourager les dénonciations peut susciter le débat, il estime que l’essentiel est ailleurs : garantir que ceux qui révèlent des pratiques illégales ou des détournements ne soient pas victimes de représailles professionnelles ou judiciaires.
Déclaration de patrimoine : un périmètre élargi
S’agissant de la déclaration de patrimoine, le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal a salué un renforcement notable. Le dispositif élargit le cercle des responsables publics assujettis et abaisse le seuil de déclaration de 1 milliard à 500 millions de francs CFA. Il prévoit aussi une obligation de déclaration à l’entrée et à la sortie des fonctions, assortie de sanctions.
Toutefois, Seydi Gassama estime que la réforme doit aller plus loin : « Le président de la République doit lui aussi être soumis à cette obligation, à l’entrée comme à la sortie de son mandat. »
Pour lui, cette inclusion serait une avancée majeure, car l’histoire récente de l’Afrique montre que « les plus gros détournements de deniers publics ont souvent été commis par des chefs d’État ».
Une lutte qui doit être sans concession
Au-delà du vote des lois, M. Gassama a rappelé que la corruption constitue un frein structurel au développement du continent. « Nos États ne sont pas si pauvres que cela. Si les ressources publiques avaient été utilisées exclusivement pour le bien du peuple, le Sénégal et bien d’autres pays africains auraient fait de grands pas vers le développement », a-t-il déclaré.
Il a appelé à considérer les fonctions publiques comme « un sacerdoce », et non comme un moyen d’enrichissement personnel. Selon lui, l’adoption de ces textes marquerait une étape importante, mais la véritable bataille se jouera dans leur application rigoureuse et impartiale.