
NGŨGĨ WA THIONG’O, GÉANT DE LA LITTÉRATURE AFRICAINE, S’EST ÉTEINT À L’ÂGE DE 87 ANS

Le monde des lettres africaines est en deuil. L’écrivain kényan de renommée mondiale Ngũgĩ wa Thiong’o est décédé ce mercredi matin à l’âge de 87 ans, a annoncé sa fille, Wanjiku Wa Ngugi, dans un message émouvant publié sur Facebook : « C’est avec le cœur lourd que nous annonçons le décès de notre père, Ngũgĩ wa Thiong’o, ce mercredi matin. Il a vécu une vie bien remplie et s’est bien battu. »
Figure majeure de la littérature africaine et icône intellectuelle mondiale, Ngũgĩ wa Thiong’o laisse derrière lui une œuvre puissante et engagée, qui a profondément influencé des générations de penseurs, écrivains et militants à travers le monde. Auteur prolifique, plusieurs fois cité parmi les prétendants au prix Nobel de littérature, il s’est imposé comme un fervent défenseur de la décolonisation culturelle et linguistique du continent africain.
Un écrivain enraciné dans son peuple
Né en 1937 dans une famille de paysans à Limuru, près de Nairobi, Ngũgĩ a été profondément marqué par la colonisation britannique et l’insurrection Mau Mau (1952-1960), événements fondateurs qui nourriront son engagement politique et littéraire. Ses premiers romans, écrits en anglais, dénoncent avec vigueur les injustices de la société postcoloniale kényane.
Mais c’est en 1977, à la suite de l’emprisonnement provoqué par l’une de ses pièces de théâtre critiques envers les élites, que Ngũgĩ opère un tournant décisif : il choisit d’abandonner l’anglais pour écrire exclusivement en kikuyu, sa langue maternelle. Ce geste audacieux devient un acte politique et culturel majeur. « Je crois tellement en l’égalité des langues. Je suis complètement horrifié par la hiérarchie des langues », confiait-il encore en 2024 dans un entretien à l’AFP depuis son exil californien.
Un legs inestimable pour l’Afrique et le monde
Ngũgĩ wa Thiong’o a consacré sa vie à la décolonisation de l’esprit, concept qu’il a théorisé et défendu avec rigueur dans ses essais. Pour lui, la reconquête des langues africaines était indissociable de la reconquête de la dignité et de l’identité. « Il a revitalisé les langues africaines, longtemps dénigrées comme étant incapables d’exprimer la modernité », affirmait le professeur Evan Mwangi de l’université Northwestern.
Comparé à Shakespeare, Dante ou Tolstoï pour avoir su magnifier sa langue maternelle dans la littérature, Ngũgĩ laisse une empreinte durable sur les lettres mondiales.
Un hommage unanime
Les hommages affluent depuis l’annonce de son décès. L’ancien président du Sénégal Macky Sall a salué, sur les réseaux sociaux, « une figure emblématique de la littérature africaine et ardent défenseur de la dignité de nos peuples », ajoutant : « L’Afrique perd une conscience éclairée, le monde une voix majeure. »
Le député Guy Marius Sagna a lui aussi exprimé sa reconnaissance : « Merci beaucoup Ngũgĩ wa Thiong’o de nous avoir aidés à “Décoloniser l’esprit”. »
Un héritage vivant
Ngũgĩ wa Thiong’o s’en va, mais son œuvre, traduite dans de nombreuses langues et étudiée à travers le monde, continuera d’inspirer les combats pour la justice, la souveraineté culturelle et la reconnaissance des voix africaines dans leur diversité.