
« UNE TRANSPARENCE SALUTAIRE MAIS EXIGEANTE » : L’ÉCONOMISTE ABDOULAYE NDIAYE DÉCRYPTE LE PLAN DE REDRESSEMENT DU SÉNÉGAL

Invité de l’émission Point de vue ce dimanche 3 août, l’économiste Abdoulaye Ndiaye, enseignant à l’Université de New York, a livré une lecture lucide et technique du plan de redressement économique et social lancé récemment par le gouvernement sénégalais. Loin des discours idéologiques, il salue une initiative « courageuse », fondée sur un audit budgétaire « transparent » qui marque, selon lui, une rupture de gouvernance.
« Le choix de dire la vérité au peuple est un acte fort », a d’abord souligné l’universitaire formé entre le lycée Louis-le-Grand et la Northwestern University de Chicago. Ce geste, affirme-t-il, devrait être perçu par les partenaires internationaux, en particulier le FMI, comme une preuve de maturité politique plutôt qu’un signe de fragilité.
Une logique de “comment faire” plutôt que “quoi faire”
Selon Abdoulaye Ndiaye, l’intérêt du plan réside dans son orientation technique et pragmatique. « On entre enfin dans l’ère du comment », dit-il, saluant une démarche qui rompt avec les slogans pour s’ancrer dans la mise en œuvre effective de politiques publiques.
Il se montre favorable à l’exploration de nouvelles niches fiscales – numérique, mobile money, jeux de hasard, tabac, foncier – mais alerte sur leurs limites : « Ces secteurs sont pertinents à taxer, mais leur poids économique reste marginal. On ne peut pas en faire la colonne vertébrale du financement. » Pour lui, le foncier représente un levier plus stable, à la fois équitable et difficile à éluder.
Vers une réforme fiscale progressive et ciblée
L’économiste plaide pour une architecture fiscale plus efficace, en réduisant les exemptions de TVA et en évitant les taxes les plus “distorsives”, c’est-à-dire celles qui découragent la production ou pénalisent excessivement les plus vulnérables.
Il insiste sur l’importance d’un contrat fiscal : « Les citoyens doivent voir à quoi servent leurs impôts. Le tabac, par exemple, si on le taxe, il faut que ça serve à financer la santé publique. » Il évoque le modèle danois, où l’adhésion citoyenne repose sur la lisibilité de l’action publique.
Rationalisation de l’État : nécessaire, mais non suffisante
Sur l’épineuse question des dépenses publiques, le professeur Ndiaye relativise les effets de la rationalisation : « On ne comblera pas un déficit de 5 000 milliards avec la réduction du train de vie de l’État. Mais cela envoie un signal fort au secteur privé et améliore le climat des affaires. » Il estime cependant que cet effort doit être visible et proportionnel à celui demandé aux ménages.
Le secteur privé, clef de voûte du redressement
Concernant le secteur privé, le chercheur note avec satisfaction l’absence de hausse de l’impôt sur les sociétés dans le plan, une décision qu’il juge « judicieuse » pour préserver la dynamique entrepreneuriale. Il appelle néanmoins à un environnement plus compétitif et inclusif : « Il faut que tout le monde ait sa chance d’entrer sur le marché, pas seulement les acteurs proches de l’État. »
Une exigence de justice sociale
Enfin, le professeur met en garde contre les risques d’un redressement injuste : « La ceinture ne doit pas être serrée uniquement par les plus pauvres. » Il plaide pour un ciblage plus fin des subventions et une taxation plus progressive des patrimoines, notamment fonciers.